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Journées d’étude « “Lira bien qui lira le dernier” ? Relectures de la littérature québécoise des années 1950-1960 »
14 mars 2024 - 15 mars 2024
« L’œuvre littéraire est faite, comme une partition, pour éveiller à chaque lecture une résonance nouvelle qui arrache le texte à la matérialité des mots et actualise son existence » (Jauss, 1978). Cet appel à la relecture des œuvres, et notamment des œuvres du passé, apparaît aujourd’hui plus que jamais nécessaire, tout justifié et motivé qu’il est entre autres par de nouvelles axiologies interprétatives, par de récentes approches théoriques et méthodologiques ou de nouveaux paradigmes critiques et esthétiques, par l’accès à des documentations inédites ou rendues plus accessibles, etc. Pourtant, dans ce contexte, on peut s’étonner que persistent parfois des interprétations figées qui érigent les œuvres en vulgates. Au sujet de la littérature québécoise du XIXe siècle, par exemple, Micheline Cambron (2006) déplore la tendance à enfermer les œuvres « dans une interprétation dont on pense qu’elle ne peut bouger en aucune manière ». Selon elle, une telle pratique « fait en sorte qu’il n’y a pas de lecture véritable, c’est-à-dire que le sens de l’œuvre et le projet du sujet lecteur ne sont jamais mis en jeu ».
Qu’en est-il au sujet de la littérature québécoise des années 1950-1960? La production de cette époque est souvent considérée comme ayant marqué un renouvellement déterminant et ne semble bien souvent être lue qu’à l’aune des paradigmes de la rupture, du nationalisme renouvelé et de l’esthétique moderne. Mais elle soulève aussi des problèmes particuliers. Cette période, en effet, est prise en étau entre deux périodes particulièrement fertiles de la littérature québécoise, celles de la guerre et de la Révolution tranquille ayant produit un nombre important de classiques.
En 2011, Jacques Godbout en réfléchissant sur les défis interprétatifs de la lecture des romans de la Révolution tranquille, posait une question importante : « les romans d’Anne Hébert, Marie-Claire Blais, Claude Jasmin, Jean Basile ou Réjean Ducharme étaient des œuvres personnelles, non doctrinaires […] Comment se fait-il qu’on leur prêtait un même discours »? En guise de réponse, il évoque la tendance de chaque époque à se projeter dans ses œuvres littéraires : « C’est que les lecteurs “nationalisaient” la littérature québécoise, s’appropriaient nos textes pour en faire un récit unifié. […] En somme, la Révolution tranquille trouvait dans la littérature ses assises et ce dont on avait besoin pour comprendre le monde. » (Jacques Godbout, 2011) Le défi de la relecture des années 1950 semble au contraire devoir prendre en compte l’absence d’un tel récit unifié. Par ailleurs, la relecture est d’entrée de jeu problématique puisque plusieurs œuvres sont restées dans l’oubli. La fiction narrative signée par les femmes constitue à cet égard un exemple intéressant; outre quelques grands noms, la critique générale n’en tient presque pas compte, et même la critique féministe récente voit dans les années 1950 un creux de vague après les succès éclatants de Bonheur d’occasion et du Survenant.
Le présent événement vise à susciter une réflexion de nature épistémologique sur les processus de relectures et de non-lectures des textes et phénomènes littéraires du passé, et en l’occurrence des années 1950-1960. Il invite à s’interroger sur la connaissance que ces processus nous donnent des œuvres, sur les enjeux, sur le déplacement de la « visée critique » et sur la recherche de sens ou la volonté d’intelligibilité actualisante qui les sous-tendent. Considérant que « chaque époque comprend différemment le même texte, voire le comprend “mieux” du fait de l’accumulation des couches de sens mises à jour [par la chaîne de réception] » (Yves Citton, 2007), sans doute le temps est-il venu de reconsidérer la production québécoise de ces années 1950-1960 que l’on rattache généralement au « commencement d’une fin » (Pierre Nepveu, 1988) et à une « autonomie nouvelle » (Michel Biron et al., 2007). D’autres lectures sont-elles possibles, voire s’imposent-elles compte tenu des connaissances actuelles?
- Source de la citation dans le titre : Genette, Palimpsestes, 1982.
JEUDI 14 MARS 2024
9h
Accueil et mot de bienvenue
Séance 1 - Pratiques littéraires à reconsidérer
Présidente de séance : Chantal Savoie (CRILCQ, UQAM)
9h30
Lucie Robert (CRILCQ, UQAM)
« Les concours du Théâtre du Nouveau Monde »
10h
Julien Béland-Bonenfant (Université de Montréal)
« Le théâtre et l’absurde au Québec dans les années 1950 et 1960 »
10h30
Pause
11h
Pierre Rajotte (CRILCQ, Université de Sherbrooke)
« Récits de voyage des années 1950-1960 : se repenser à l’échelle de la planète »
11h30
Pascal Riendeau (Université de Toronto)
« Relire des essais (presque) oubliés (1946-1965) »
12h
Dîner
Séance 1 (suite) - Pratiques littéraires à reconsidérer
Président de séance : Pierre Rajotte (CRILCQ, Université de Sherbrooke)
13h30
David Décarie (Université de Moncton)
« Les romans de la critique sociale »
14h
Dominique Garand (CRILCQ, UQAM)
« Le rôle discret de l’exotopie dans le renouvellement du roman québécois »
14h30
Pause
Séance 2 - Littérature et média
Président de séance : David Décarie (CRILCQ, Université de Moncton)
15h
Denis Saint-Jacques (CRILCQ, Université Laval)
« La littérature au risque des médias »
15h30
Hélène Destrempes (Université de Moncton)
« Voir l’autochtonie autrement : ‘Les Indiens de la forêt québécoise’ de Jacques Rousseau »
16h00
Maurane Arcand (CRILCQ, UQAM)
« Interroger l’identité culturelle et nationale par la comédie musicale : Le cas de My Fur Lady »
VENDREDI 15 MARS 2024
Séance 3 - Classiques à revisiter
Présidente de séance : Lucie Robert (CRILCQ, UQAM)
9h30
Sophie Dubois (CRILCQ, Collège Lionel Groulx)
« Et si Refus global ne rompait rien... »
10h00
Milica Marinkovic (Université de Bari “Aldo Moro”)
« La quête identitaire dans Le Torrent d’Anne Hébert et le mythe du labyrinthe »
10h30
Pause
11h
Nao Sasaki (Université Shirayuri)
« Le primitivisme de l’acte de conter dans La fille laide d’Yves Thériault »
11h30
Asako Muraishi (Université de Fukuoka)
« Relecture du Nez qui voque de Réjean Ducharme à l’aune du roman japonais Le jeu du siècle de Kenzaburô Oé »
12h
Dîner
Séance 4 - Œuvres, auteurs et autrices oubliés
Président de séance : Marie-Noëlle Huet (CRILCQ, UQAM)
13h30
Adrien Rannaud (CRILCQ, Université de Toronto)
« “Quel chagrin ils me font ces jeunes intellectuels...” : Les inquiétudes de Michelle Le Normand »
14h00
Victor Caron-Veilleux (CRILCQ, UQAM)
« La vieille fille contre-attaque : vie et mort de Thérèse Tardif, écrivaine »
14h30
Félix Devault-Dionne (CRILCQ, Université de Sherbrooke)
« Cap sur un cerf-volant : tradition et modernité dans Le fou de l'île de Félix Leclerc »
15h
Pause
Séance 4 (suite) - Œuvres, auteurs et autrices oubliés
Présidente de séance : Michel Lacroix (CRILCQ, UQAM)
15h15
Pierre Hébert (Université de Sherbrooke)
« Jean Simard et l’inquiétude narrative »
15h45
Jean Morency (Université de Moncton)
« Une langueur monotone. Métamorphoses de l’écriture romanesque dans Les jours sont longs (1951) de Harry Bernard »
16h15
Mot de la fin
Crédits photos : Children. Children’s Library in N.D.G, Fonds Conrad Poirier, Bibliothèque et Archives nationales du Québec