L’originalité du programme de la Chaire tient d’abord à la perspective globale et plurielle de son approche.
Les pratiques non dominantes y sont conçues comme un ensemble où se côtoient
Des pratiques
culturelles issues de groupes sociaux dominés culturelles dévalorisées sur le plan esthétique défavorisées par la mémoire à long terme
Ces catégories structurent les trois axes de recherche et chacun d’eux s’articule autour d’un projet de recherche conçu en fonction des enjeux spécifiques à la catégorie non dominante ciblée, convoquant des ancrages théoriques, circonscrivant des corpus exemplaires, préconisant des méthodes adaptées et prévoyant une stratégie de diffusion pour chacun.
La Chaire propose le projet Cent ans de vie culturelle vue par les femmes, une histoire chorale de la culture de 1880 à 1980. En utilisant une approche novatrice, cette synthèse explore la diversité et les contradictions de la vie culturelle en mettant en lumière les regards féminins. À travers les discours croisés de femmes influentes ou moins connues, provenant de différents domaines artistiques, leur impact sur l'époque est analysé et leur contribution à l'imaginaire culturel est étudiée.
Cet axe de recherche explore la culture de grande consommation et les productions culturelles dévalorisées sur le plan esthétique. Il utilise la culture populaire comme matériau fertile pour développer de nouvelles approches. Les fondements théoriques se basent sur des chercheurs pionniers et le projet se concentre sur l’étude des usages de la culture locale et de figures emblématiques.
Les travaux de cet axe prennent en considération le fait que toutes les tranches historiques ne sont pas équivalentes lorsqu’il s’agit d’étudier la manière dont l’espace culturel se transforme en se diversifiant. Certaines périodes se révèlent plus propices que d’autres à l’éclosion de pratiques variées.
Tous les axes ont en commun d’aborder des pratiques culturelles non dominantes selon des approches polyphoniques novatrices (à partir, notamment, des réflexions de Gefen et Leichter-Flack (2021) sur les « narrations pluralistes », qui font entendre des « regards divergents sur un même événement »). Ils puisent leurs ancrages théoriques à la sociologie de la culture, à la théorie du champ littéraire, à l’étude du discours social, à l’analyse institutionnelle, à la poétique et à la médiapoétique, à l’histoire, aux études féministes, aux humanités numériques de même qu’aux approches multidisciplinaires et intermédiatiques.
Axe 1
Cent ans de vie culturelle vue par les femmes
Le cœur de ce premier axe est la réalisation du projet Cent ans de vie culturelle vue par les femmes. Cette synthèse vise à produire une grande histoire chorale des regards féminins sur la culture de 1880 à 1980. Pour ce faire, la Chaire adapte le modèle d’une « histoire chorale » (Azoulay et Ismard, 2020), qui permet de questionner de manière novatrice l’homogénéité de l’espace social en s’intéressant à des figures « plus inattendues » qui révèlent la vie culturelle dans sa pluralité, sa polyphonie et, parfois, ses dissonances. Pour chaque période (1880-1920, 1920-1955, 1955-1980), les discours entrecroisés de dix femmes, influentes ou « minuscules », chroniqueuses, cinéastes, écrivaines, enseignantes, artistes visuelles, musiciennes, femmes de théâtre, humoristes, religieuses, animatrices, traductrices, sont reconstitués, puis replacés sur l’échiquier culturel de l’époque. Une attention particulière est portée à la sélection des figures féminines et des événements culturels auxquels elles s’intéressent, pour ensuite en analyser la rhétorique et en dégager les modalités par lesquelles elles se frayent une place dans l’imaginaire culturel.
Axe 2
Approches de la culture de grande consommation
L’axe portant sur la culture de grande consommation s’intéresse aux productions culturelles qui sont dévalorisées sur le plan esthétique. Les travaux qui le structurent abordent des questions laissées en suspens par les études sur les genres paralittéraires et leurs supports qui, si elles ont contribué, depuis les années 1970, à faire connaître la culture populaire et à permettre de l’inclure à l’enseignement et à la recherche universitaire, tendent à y reproduire les préoccupations associées aux pratiques culturelles légitimes (valorisation de l’originalité, attention prépondérante accordée aux caractéristiques formelles, etc.). Les manières propres de signifier de la culture populaire offrent un matériau fertile pour renouveler les approches et mettre à l’épreuve des méthodes novatrices. Les fondements théoriques de cet axe puisent aux travaux pionniers de Janice Radway (1984) notamment, mais aussi à ceux qui ont mis à l’avant-plan les répercussions du lien social dans le choix des pratiques culturelles (dans le prolongement de Hoggart 1957, mais aussi de Fish 1980), de l’ancrage dans le quotidien et de tout ce qu’il induit (de Certeau 1980), de la pertinence (Fiske 1987). Le projet phare de cet axe s’intéresse aux usages de la culture locale et aux récits qui les portent et les révèlent. Six figures emblématiques de la culture de grande consommation québécoise, ayant en commun d’être très présentes dans les médias mais dont la légitimité artistique est inversement proportionnelle à cette visibilité, sont sélectionnées puis étudiées à partir des expériences qu’elles suscitent et de la pertinence que leur confèrent les publics.
Axe 3
Laboratoire de la vie culturelle
Les travaux de cet axe prennent en considération le fait que toutes les tranches historiques ne sont pas équivalentes lorsqu’il s’agit d’étudier la manière dont l’espace culturel se transforme en se diversifiant. Certaines périodes se révèlent plus propices que d’autres à l’éclosion de pratiques variées. Souvent présentées comme un « vide » entre le Refus global et la Révolution tranquille, les années 1950 recèlent, pour une étude des dynamiques propres aux cultures non dominantes dans la culture québécoise, un potentiel qui sera souligné en mobilisant différentes ressources numériques. Les recherches exploratoires de cet axe a) exploitent différentes bases de données (personnel littéraire, œuvres, périodiques, iconographie, enregistrements, etc.) qui permettent de mesurer les pratiques culturelles et leur circulation b) s’intéressent au déploiement des pratiques culturelles dans l’espace (à l’aide d’outils numériques de cartographie notamment; c) réalisent des fouilles numériques sur les différents concours artistiques, qui prolifèrent durant les années 1950, et qui s’avèrent de puissants indicateurs permettant de documenter la diversification des pratiques culturelles et l’émergence de nouveaux publics.
Crédits photos : People. Mlle Helene Grenier : Bibliotheque Plateau, Fonds Conrad Poirier, Bibliothèque et Archives nationales du Québec | Club de hockey Les Canadiennes de Montréal 1937, Fonds Conrad Poirier, Bibliothèque et Archives nationales du Québec | La Plaza St-Hubert éclairée en soirée, vers 1960, Archives de la Ville de Montréal